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Je ne vais pas revenir une énième fois sur la qualité du travail d’Emmanuel. Vous avez compris qu’on aime énormément et son travail et sa manière et son humanité. Bon ça c’est fait. J’ai juste envie de me servir de ces quelques images pour vous faire partager ma vision de La Vie. Au delà des croyances, au delà de ce qu’on veut que je sois, au delà même de ce que j’ai envie d’être. Vous allez peut-être me prendre pour un cinglé mais voilà bien longtemps que ma Vie ne m’appartient plus vraiment.

Shibari mon ami, la vie est une expérience.

Je me suis acharné, croyez moi j’ai lutté, j’ai espéré, j’ai tapé, j’ai cogné, j’ai hurlé peut-être plus que vous n’en avez les oreilles. Je ne voulais jamais être enchaîné, je ne voulais pas plier. Être attaché, entravé ? Plutôt crever ! Alors j’ai lutté, lutté !

Le pain doré des hôtels super luxes je connais. La bouffe qui coûte un SMIC, je l’ai déjà gerbée. Les hérissons rôtis bouffés devant un feu de gitans aussi. Dormir dans son duvet, rêver de ne jamais se réveiller, tellement il fait froid, tellement ça pue autour. Pas l’odeur des ordures, l’odeur de sa propre misère, l’odeur de sa peur. L’odeur de la misère des frères humains.

Le shit à la paraffine, le LSD pas assez coupé, les claques, les hôpitaux, la solitude, sacrée vieille solitude. Cette comparse qui te dit qu’il n’y a plus rien même quand tu es « bien » entouré. Toutes ces expériences m’ont forgé, m’ont vieilli aussi. J’ai une bonne nature, je n’ai pas besoin d’expérimenter très longtemps pour comprendre l’âme. Merci !

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L’Aigle subviendra à tes besoins

Et puis nous sommes aujourd’hui, une nuit de Décembre, c’est le solstice, je me suis assagi. Je ne suis pas plus calme, peut-être encore moins, j’ai juste accepté. Accepté que ma vie n’était pas mes envies. Une vieille phrase traîne dans cette vie. L’Aigle subviendra à tes besoins. L’Aigle subviendra à tes besoins, j’ai mis 20 ans à la comprendre. Presque autant de temps à l’accepter et puis un beau jour je me suis réveillé, j’ai regardé loin devant moi, j’ai vu ma Mort.

Elle était là, détendue et placide, la route était encore longue, elle m’attendait assise sur le bord d’une plage, contemplant le soleil couchant, amoureuse des vagues, elle était là, elle s’est retournée, m’a regardé et m’a juste murmuré que je n’était pas prêt. Qu’il fallait encore avancer, encore rester et toujours plus aimer. Aimer la Vie même quand elle est ridicule, aimer les gens même quand ils sont fous mais plus que tout qu’il fallait que j’arrête de lutter. Alors j’ai regardé derrière moi, j’ai vu les 40 années passées, les rires et les pleurs, les erreurs, les succès. Tout s’éloignait et se rapprochait. Tout s’effacait en moi. Il ne restait plus qu’une seule vie, un seul besoin, me reposer, abandonner et enfin, faire la Paix.

Je me suis relevé, métaphore du geste, et j’ai accepté de ne faire plus qu’un. De ne plus avoir peur. D’oser quand il était bon d’oser, me taire quand il le fallait, marcher, courir, aimer, baiser. L’Aigle subviendra à mes besoins, à mes besoins, pas à mes envies. Mes envies ? Tout le monde s’en fout.

Faire le pas de s’abandonner

Je vous écris ce petit texte une nuit de Décembre, une nuit, toujours une nuit. La lumière y est tellement plus belle. J’écoute un vieil album de Michel Fugain et du big bazar, mon enfance. « Fais comme l’Oiseau « . Essayer d’aller plus haut, toujours plus haut. Je n’ai pas les prétentions d’Icare. Je ne suis qu’un oiseau. Ma vie c’est juste m’envoler. Je ne veux pas toucher le Soleil, je vais simplement là où le Vent me mène. Et si une peur essaye de me limiter, je ferme les yeux et je me laisse emporter par un courant d’air chaud. La Vie roule, se déroule et simplement « ça » va plus haut. La Vie revient, la joie d’être ici. Mélange paradoxal d’une infinie tristesse et d’une Joie profonde de vous connaître intimement. Léo Ferré chantait « cette joie triste d’être ». Léo Ferré chantait… Nostalgie.

Je suis danseur, voltigeur de l’infini. Un chat qui ne dort jamais. Je suis un chemin que je ne connais pas. Un ruisseau qui s’effiloche vers la Mer Essentielle. J’arpente ce sentier seul. Parfois l’Amie me sourit, belle compagnie il est vrai. Je continue. J’explore et découvre sans vraiment rien chercher. Je suis mes pieds.

Au delà des formes et au delà des temps

Ils sont bizarres mes pieds. Ils m’ont amené entre les mains d’Emmanuel, de celui qu’on a prénommé Emmanuel. Dieu est parmi nous. Entre Conscience et Enfance. Ces mains sont habitées. Elles tissent autour de moi la prison dans laquelle je me suis mis il y a maintenant plus de 37 ans. Donnent forme à mon carcan, un corps qui est le geôlier de mes envies et le précepteur de mes besoins. Nornes du destins, elles tissent la toile, elles immobilisent la chair et entravent ce que je crois être ma liberté.

Va t-elle mourir ? La Liberté ne peut disparaître, elle est l’essence du vivant ! Simplement fermer ses yeux sur le monde des formes, le monde que vous m’avez appris. Aller encore plus loin dans l’essentiel. Oser franchir la dernière porte vers mon Humanité. Laisser les liens m’emprisonner. Illusion, tout n’est qu’illusion.

Respirer un peu plus profondément et attendre, patienter. Ma mort ne m’a pas encore touché. Elle est là, assise devant moi, le sourire délicat, s’amusant avec le sable et le soleil couchant, il fait chaud. Quelque chose s’est apaisé. L’Aigle tisse, son souffle est posé, il est impeccable, il ne cédera pas, ne faillira pas. Les cordes n’ont pas de pitié. Tu peux rugir, hurler, grogner, c’est nous qui les avons tissées, elles sont sans pitié.

Quand il pleut, l’homme ordinaire court pour s’abriter.

Le Samouraï poursuit son chemin jusqu’à sa demeure.

Le Samouraï arrive mouillé et serein, l’homme ordinaire sera mouillé et en retard.


Hagakure

Charlie joue, saute, fouette et gambade.

Charlie me chevauche, prend les rennes et alors ? Je suis nu avec un bidon un peu trop plein de pizza, un pénis parfois usé et sans envie, et alors ? Une bouche édentée et des pieds un peu déformés, et alors ? Là allongé, dans la prison que j’ai accepté de tisser, quelle importance ? Avoir peur du ridicule ? Me sentir outré, dépassé, humilié ? Mais qui peut faire plus que ce que je me fait ? Emmanuel a tressé mon incapacité. Il a manifesté ma peur de mon impuissance, ma peur de perdre ma liberté. Mais quelle liberté ?

Dans cette prison où je me suis mis, cette prison de conventions, de mensonges, de faux semblants, de peur du quand dira-t-on, elle est où la liberté ?  Notre prison c’est la peur, simplement la peur. Je l’habillais de rage, vous l’habillez d’inquiétude et de doute. Ils l’habillent de conventions et de non dits. Où est la liberté ? Alors simplement jouer le jeu, fermer les yeux, respirer, descendre plus bas, et accepter que la Liberté est celle de rêver. La Liberté est d’Aimer. Le reste ? Le commerce, la politesse, ce que vous nommez respect, l’envie de dominer ou d’être écrasé ? Juste de la foutaise.

Les mains se sont rapprochées, contact doux et ferme. Sa présence est toujours bienveillante. L’étreinte des liens, celle du destin se fait moins prégnante. Le chanvre accepte sa victoire et sa défaite. Noble partenaire, il se fait plus discret, chaque millimètre voit une force grandir en moi. Tout est dénoué, mon monde finit de vaciller. Quelque chose a disparu. Je prends le temps de me regrouper, mon corps d’énergie a exploité chaque espace de liberté, maintenant il veut s’étendre à l’infini. Je suis le fini infini.

Dis papa, c’est quoi la vie ?

Enfant, un dessin animé m’a profondément troublé, les Maîtres du Temps de Jodorowsky et Jean Giraud. « Allo Jaffa ici Claude, Jaffa tu m’entends ? … » Le bolide heurte une pierre, la chute. Toute les nuits pendant longtemps un arachnide venait, m’envahissait, puis gobait mon cerveau, Ajna, le principe masculin n’est définitivement pas dans le pénis mais dans le cerveau. Niché derrière l’épiphyse.

Je ne dors plus, ou peut-être ne me suis-je jamais réveillé ? Qui le sait ? 

Dans cette saga intertemporelle un vieux bambochard rêvait et chantait, « je suis le clochard galactique, le vagabond cosmique ». Ha ha ha, j’en suis bien plus proche que du fier Samouraï encombré par sa cuirasse et ses vertus. Définitivement plus pèlerin du Tao que moine Confucianiste. A la fin il meurt ce vieil homme. C’est normal, il rejoint sa fin, assise sur une plage en train de jouer avec le sable et le soleil. Il va jouer avec elle. A la fin donc il meurt et la Vie lui rend hommage en le faisant renaître à l’émerveillement. Samouraï je ne le suis clairement pas.

C’est quoi la vie ? C’est quoi qui fait battre votre coeur, qui vous pousse à vous réveiller le matin ? Quand vous souriez à un enfant, qui sourit en vous ? Le Monsieur ou la dame bien polis ou l’enfant qui n’a qu’une envie, plonger dans la gadoue avec lui ?

Vous croyez vraiment qu’on peut vivre sans rêver ? Qu’on peut vivre sans aimer ? Est-ce ça votre vie ?

Exergue :

Une seconde partie est en cours d’écriture sur le site Projet La Passerelle. Cette seconde partie sera plus axé sur les sensations intérieure et l’utilisation, désolé je suis un homme pragmatique, qu’on peut faire du Shibari dans une démarche d’éveil, de retour à Soi. Du moins le Shibari fait par Emmanuel.

Very thx @

Emmanuel BoudoirShibari.com & Olivier Parent okbstudio.com

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Cet article a 3 commentaires

  1. Wild delia

    Quel bel artiste! (je voulais écrire « quel bel article » mais mes doigts ont décidé pour moi et c’est bien juste!) J’en ai pleuré, ça m’a touché. Évidemment, ça a fait écho en moi. Je crois qu’on connait plus ou moins l’enfermement; en tout moi, ça me parle. C’est une des réflexions que j’ai en ce moment. Je me suis laissée enfermée symboliquement et par extension, limitée physiquement; alors que je voulais libre! Et aujourd’hui, j’entrevois d’autres possibles en acceptant que je ne le suis pas. En tout cas, pas tel que je l’aurai souhaitée. Merci pour ton témoignage et ton talent. C’est beau!

  2. GuiM

    J’ai été profondément touché par votre texte. Je vous remercie de partager votre réflexion et votre vécu avec nous. Vous avez une qualité d’écriture belle est sincère.

    Merci

    1. Renaud

      Merci à vous. Et merci pour le compliment sur la forme écrite ça fait toujours plaisirs 😉
      J’aimerai avoir plus de temps pour développer. Je vais essayer dans les jours à venir de faire la suite sur un autre blog. Ce qui est clair c’est la profondeur de cette pratique. Après perso je ne retenterai pas de suite l’expérience. Pour l’instant j’ai appris ce que je pouvais mais qui sait un jour … En tout cas elle est tout sauf anodine.

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