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L’ubérisation, on en entend parler de toute part, souvent d’ailleurs comme d’un phénomène affreux qui met en danger l’économie traditionnelle. L’ubérisation c’est un néologisme qui vient directement du nom de l’entreprise Uber, vous savez les taxis qui n’en sont pas et qui coûtent moins cher que les vrais taxis.

Ubérisation, sexe et loi morale

Bon aujourd’hui je vais laisser les taxis là où ils sont mais on va essayer de voir comment l’ubérisation du sexe se développe et puis au passage j’en profite pour faire une petite critique du film Pornocratie d’Ovidie, et surtout des politiques moralistes de certains ministres en charge de la jeunesse et du droit des femmes en 2017.

L’ubérisation est un mot qui désigne un nouveau fonctionnement du travail. On n’est plus dans une configuration d’une entreprise qui emploie des salariés. On a une entreprise, une plateforme, qui met en contact clients et prestataires de service en prenant une commission au passage.
Donc plus de salariés. Seulement des indépendants (auto entrepreneurs, freelance, etc …) et des clients. Le client paie le service à la plateforme. L’indépendant est payé par la plateforme. La plateforme prend une commission sur chaque transaction, et a des coûts salariaux ultra réduits car elle n’a d’employés que ceux qui servent à administrer et faire tourner la plateforme.

Avantage pour la plateforme

Ben c’est tout bénef, aucune charge salariale sur les prestations vendues, car la plateforme vend la mise en relation et n’emploie aucun des prestataires de service. Quant à ses employés à elle, bien souvent les sièges sociaux sont très loin de la france, dans des paradis fiscaux où les coûts patronaux sont réduits.

Avantage pour le client ?

La multiplicité de l’offre, il peut donc comparer et choisir son prestataire, ou bien sinon, le service lui coûte en théorie moins cher que s’il était passé par une entreprise « classique ». Logique, la plateforme ayant moins de coûts, elle peut proposer des prix réduits.

Avantage pour le prestataire de service

La plateforme lui permet d’avoir accès à une grosse affluence de clients, il est indépendant, donc pas d’horaires fixes, pas d’obligations salariales somme toute. Bon là, comme ça, on dirait le monde des bisounours.

Les inconvénients de la blague

Mais il y a aussi des inconvénients, ben oui, sinon c’est pas drôle ! Alors les inconvénients pour la plateforme …. comme dirait les wampas « j’ai beau y réfléchir franchement j’vois pas d’solution ! ».

Pas de charges salariales, pas d’imposition en france mais dans les paradis fiscaux, là où quand tu dis imposition on te demande quelle langue tu parles, donc, j’sais pas trop.

Après, il faut que la plateforme soit réactive du point de vue support, et qu’elle soit suffisamment attractive pour attirer à la fois des clients et des prestataires de service. M’enfin, si elle a rien à faire du tout, là ça serait de l’ordre du magique.

Inconvénient pour le client :

la plateforme met juste en relation des prestataires de service et des clients, donc rien ne garantit le professionnalisme dudit prestataire.

Inconvénient pour le prestataire :

C’est à lui de faire ses déclarations sociales, il n’a aucun des avantages des salariés style congés payés, arrêt maladie payé, etc … Si le prestataire est par exemple auto entrepreneur, sur le chiffre d’affaires qu’il fait auprès de la plateforme il doit verser 25% environ à l’urssaf tous les mois, plus les impôts en fin d’année.

Un auto entrepreneur est un chef d’entreprise de lui-même, donc s’il ne travaille pas, ben il a pas de sous, il n’a pas droit au chômage (sauf si il a un boulot salarié à côté), et pour faire un prêt, louer une maison etc … Il se retrouve avec un dossier tout pourri car les banques et les assurances loyers impayés détestent l’incertain, donc en général n’acceptent pas bien ce genre de dossiers.

Et le cul dans tout ça ?

Et bien l’illustration parfaite de l’ubérisation du sexe se voit à travers l’industrie du X. C’est les plateformes de webcam style chaturbate, cam4, eurolive, livejasmin, etc …. Le site, donc la plateforme, n’emploie aucun.e camgirl /camboy. Il met juste en relation les clients et les prestataires de service, ici donc les modèles cam. Et prend une commission sur toutes les transactions, sur tous les show réalisés, en moyenne entre 50 et 70% de ce que paye le client.

On ne peut pas dire que ce soit moins cher pour le client, vu que ce modèle style uber est le seul en ce qui concerne les sites de cam. Par contre pour les camgirl / camboy, ils / elles profitent du trafic généré par le site, de la structure technique (ben oui, pas besoin de louer un gros serveur qui supporte le streaming),  y a juste à connecter sa cam et en avant Ginguamp.

Maintenant faut bosser !

Bon par contre c’est pas parce qu’on a branché sa cam qu’on va gagner des millions. Il y a le boulot qui consiste à faire des show érotiques / pornographiques, mais il y a aussi le boulot qui consiste à attirer du monde et pour ça vive les réseaux sociaux, la régularité, etc ..

Donc oui, on est libre de bosser quand on veut, mais si on n’est pas régulièrement connecté.e, on finit aux oubliettes, sur la toute dernière page du site, et là ben c’est pas gagné pour ramener quelques euros dans son porte monnaie. Et oui, en fait c’est comme n’importe quel autre métier, il faut de l’investissement, du temps, etc …

Les plateformes de vente :

Un autre exemple d’ubérisation du sexe, les plateformes pour vendre ses vidéos X, culottes, brosses à dents et que sais-je encore. Exactement comme les trop fameux Amazon, Cdiscount et ebay il existe leur version cul. Piggybankgirl, vendstaculotte, manyvids, joliefanny, … la liste est longue. Pareil, le site n’emploie pas les gens qui vendent / font les vidéos. Le site met juste en contact client et vendeur, et prend sa commission au passage. En échange, il fournit support technique, affluence, etc …

Ubérisation = exploitation ?

Voilà, on y est ! Le grand discours ambiant ! L’ubérisation c’est mal ! C’est des vilaines gens, des vilaines compagnies qui exploitent la misère humaine, ruinent l’économie d’un pays et escroquent les pov’ prestataires de service ! Vous vous rendez compte de la commission qu’ils prennent ? Rhoo quand même, si c’est pas de l’abus ça ! Et puis les gens qui travaillent pour eux sans travailler pour eux n’ont aucune sécurité de l’emploi, aucune sécurité tout court !!!! Les sites de webcam sont les nouveaux proxénètes !

Justice sociale ou moralisation de la société ?

Et là moi je pousse ma gueulante. Parce que derrière ce discours s’en cache un autre, bien moral, bien pourri, qui vise à interdire la pornographie sous prétexte qu’elle porte atteinte à la dignité des femmes, et accessoirement des hommes. Oui parce qu’il y a aussi des hommes qui font de la cam, des films X, tout ça tout ça. Mais rappelons nous que les éternelles victimes sont les pauvres femmes sans défense, de douces agnelles livrées en pâture au monde impitoyable de l’industrie pour adultes.

Alors oui, les sites prennent une commission qui est en général comprise entre 50 et 70%. Mais à ce que je sache, personne n’oblige qui que ce soit à s’inscrire sur ces sites ? Perso, on ne m’a pas foutu un couteau sur la gorge en me disant : « si tu t’inscris pas sur eurolive et cam4 on te bute et ta famille aussi à y être ! »

Et vous savez le prix que ça coûte un serveur qui supporte le streaming pour plein de gens connectés en même temps ? Bon je vais pas pleurer sur leur sort non plus, faut pas être con. Un peu comme les gens se demandant si les casinos se remboursent quand ils font un cadeau ou ceux qui croient que les banques sont là pour aider l’économie. Ca c’est le pays des bisounours.

De plus qui empêche les camgirl / camboy qui ne veulent pas passer par ces plateformes de proposer leurs propres show via skype par exemple ? Bon, y a toujours 25% à reverser à l’urssaf, qui lui ne fournit pas de plateforme technique, de trafic, la seule chose que fournisse l’urssaf c’est un numéro de sécu, et une solidarité interprofessionnelle (bon même si en tant qu’auto entrepreneur le chômage n’existe pas). Mais c’est un autre débat, et puis ça permet quand même de financer entre autres la sécu, mais c’est un autre débat.

Ubérisation du sexe, les petites structures sont responsables aussi.

Il n’y a pas longtemps, une boîte m’a contactée pour me proposer de faire des show pendant les salons de l’érotisme. Cool, c’est quoi les conditions ? C’est voyage à tes frais (donc quand le salon est à Arras et que tu es à Marseille ça fait loin et cher), une chambre partagée avec une autre fille pendant 1 nuit seulement et on fournit aussi le repas du samedi soir et l’eau.

Et toi donc, tu payes ton voyage, tu partages ta chambre avec quelqu’un que tu connais pas, tu t’achètes ta bouffe, et tu touches 35% sur les show réalisés, si tant est que des mecs te prennent en show privé ! Et le mail se termine par un alléchant « les filles gagnent en général entre 750 et 2000€ / salon ».

Là je trouve ça hyper abusé ! En gros, à part te filer un sandwich, payer une demi chambre d’hôtel par fille, ils se mouillent pas trop. Quant à savoir si tu auras des show, rien n’est assuré. Mais voilà, personne ne m’oblige à rien. Du coup, en voyant les conditions j’ai bien ri et j’ai dit non, parce que faut pas pousser mémé dans les orties non plus.

Des alternatives aux grosses plateformes ?

Revenons aux sites de cam. Si vous trouvez que le site prend une trop grosse commission, qui vous empêche de trouver un autre site de cam, aux conditions plus avantageuses ? Personne ! Allons même plus loin. Qu’est-ce qui empêche des camgirls / camboys de se regrouper pour créer un site commun qui propose des show privés sur skype ? Avec une toute petite commission pour celui qui se frappe le boulot de faire tourner le site ?

Ah si, là c’est un élément majeur qui empêche ça : la connerie humaine. Parce que la mentalité entre camgirls, mais c’est valable pour tous les métiers, est pas toujours terrible, pas souvent même. C’est un peu ambiance chacune pour sa gueule. En mode « je risque pas de parler d’une autre fille au cas où ça me fasse perdre quelque chose ».

Ce qui dans l’absolu est ultra stupide, car pas une fille n’est semblable à l’autre, et qu’au contraire ça créerait une émulation, donc une forte affluence, donc plus de retombées pour tout le monde. Mais pour ça, il faut réfléchir autrement qu’en échelle linéaire, y a ceux qui sont en haut ceux qui sont en bas, il faut réfléchir de manière circulaire et sur un cercle, y a ni haut ni bas (où niche l’oie ?). Faut se servir de son cerveau quoi, et arrêter d’avoir peur de perdre, et ça c’est pas gagné.

Mais, encore une fois, c’est pas qu’au niveau des camgirls, c’est malheureusement très répandu chez l’espèce humaine. C’est l’éternelle guerre des zego.

Ubérisation = Exploitation WTF ?

Je m’égare. Décidément j’ai de la gueulante à revendre en ce moment. Donc le coup de gueule de départ, c’est sur cette association systématique entre ubérisation et exploitation. Ben perso, je ne me sens pas exploitée. Ou alors je suis une grande maso exploitée volontairement. Le souci au final, c’est pas le système « ubérisation », c’est tout le reste autour.
C’est l’accès aux logements, qui fonctionne au sacro saint CDI. C’est le système bancaire, qui privilégie aussi le divin CDI…
NOTA : le système bancaire, vous savez les banques à qui les états ont filé plein de sous pour les sortir de la merde et comme ils ont emprunté pour filer des thunes auxdites banques, maintenant les états remboursent avec un taux d’intérêt qui si ton banquier te le propose tu lui mets ta main dans la gueule, et qui touche ces gros intérêts ? Ben les banques, que t’as aidé à pas couler ! Oui, ces mêmes banques où tu déposes tes sous dessus, elles font des sous avec tes sous mais par contre toi tu dois payer pour avoir accès à tes sous ! Cherchez l’erreur …
On est dans un pays qui vénère le CDI. Moi le CDI m’angoisse, me file de l’urticaire et des bouffées d’angoisse. On est dans un pays qui veut que les choses changent mais surtout faut toucher à rien. En gros, on est dans un pays de cons, qui sont quand même super chanceux de vivre dans ce pays mais qui adorent râler sur tout et en grosse quantité, et qui adorent s’apitoyer comme des grosses tanches ! Toutes mes excuses aux tanches au passage, poissons d’eau douce qui n’ont certes pas beaucoup de goût mais qui n’ont rien à voir dans cette histoire.

La moralisation du net (et du monde)

Et bien il n’est pas tant lié à l’ubérisation qu’au cul en lui-même. Et là, franchement, je ne remercie pas Ovidie. Dans son dernier documentaire « Pornocratie », il y a des trucs super intéressants, notamment la mise en place de l’empire mindgeek, manwin, je sais plus. Par contre il y a un fond de misérabilisme qui m’a profondément gonflé.

Alors oui, l’industrie du X c’est pas le monde des bisounours, loin s’en faut. Oui, la surenchère des pratiques ça devient n’importe quoi. Oui, le monopole des tubes met gravement en danger le business du X. Aucun problème là dessus. J’approuve totalement.

Par contre ce qui me gonfle c’est le côté « oh les pov’ filles exploitées qui n’ont pas le choix ». Sortez les mouchoirs …

Déjà on a toujours le choix. Le choix ultime étant la mort, même si je vais choquer beaucoup de gens en disant ça, mais c’est quand même vrai, non ?

Ensuite, dans la dernière partie, quand Ovidie parle de l’uber sex, de comment les sites et plateformes exploitent les filles, ça, ça me gonfle sévère. On voit des filles qui bossent pour des studios de cam en roumanie et font des heures et des heures de show et c’est trop horrible !!!!

Alors attention, je parle de studios où les filles sont libres d’aller et venir à leur gré. Sinon, si elles sont prisonnières, là c’est scandaleux mais ce n’est pas lié au cul, c’est lié à la traite d’humains et à l’esclavagisme.

Donc ces filles, elles ont pourtant choisi de bosser là, même si sur leurs show la plateforme prend 70%, sur lesquels le studio prend encore 50%. Alors certes, ça fait pas bézef. Mais allons au bout des choses. Si ces mêmes filles bossaient à l’usine du coin, toucheraient-elles plus ou moins ? Serait-ce plus facile physiquement, ou au contraire plus difficile ? Personne ne les oblige à rien, donc si elles restent, c’est bien que ça doit pas être pire qu’ailleurs, voire mieux !

Le seul rossignol annonçant l’hiver s’appelle Laurence

Quand j’entends notre chère Laurence Rossignol, ministre des Familles, de l’enfance et du droit des Femmes, citer Pornocratie pour justifier son combat contre la pornographie et la prostitution, ben je me dis qu’il faut vraiment arrêter avec le misérabilisme.

Chère Laurence Rossignol, je préfère 10000 fois bosser en tant que camgirl que bosser à l’usine. Parce que, pour y avoir bossé une malheureuse semaine, l’usine me tue, me déprime et me donne envie de me flinguer. Je ne prône pourtant pas l’arrêt des usines, y a des gens à qui ça convient. Ce que je voudrais c’est juste la liberté de choisir mon métier. Je prône simplement la liberté de gagner ma vie avec mon cul, même si ça vous défrise.

Et celle qui porte atteinte à ma dignité de femme, ce n’est pas la pornographie, c’est vous ! Pour qui vous prenez vous pour décider à ma place de ce qui est digne ou non pour moi ? Pour qui me prenez vous en me considérant comme moins que vous, comme une pauvre conne victime d’un système trop difficile ? Je ne suis victime de rien du tout.

Le porno c’est le mal

ou comment se tromper de cible.

Alors oui, l’accès des mineurs à la pornographie ce n’est pas normal, mais mettez des choses en place au lieu de vous pincer le nez et de vouloir tout bonnement interdire la pornographie !

Le proxénétisme, la traite d’humains, l’esclavagisme n’ont pas lieu d’être, alors mettez en place de vraies structures pour aider les victimes de la traite d’humains à en sortir. Mais foutez la paix aux femmes et aux hommes qui ont DÉCIDÉ, d’eux-mêmes, en leur âme et conscience, de se prostituer.

Et si vous avez un problème avec la pornographie, avec la prostitution, avec l’image de la femme, les archétypes de la mère et de la putain, réglez les chez un psy au lieu de proposer des lois iniques reflétant juste votre morale étriquée. Le droit des femmes, ne serait-ce pas le droit de choisir et de disposer de leur corps comme bon leur semble ?

Alors, si vous voulez défendre les femmes, arrêtez de les considérer comme moins bien que vous, arrêter de les prendre pour de pauvres cruches incapables de se servir de leur cerveau, ça sera déjà un bon départ !

Et au passage, je crois qu’il n’y a que dans le porno que les femmes sont mieux payées que les hommes ! Enfin, je dis ça je dis rien …

Porno et éducation sexuelle …

Quant à l’éducation sexuelle, je suis comme vous, je regrette qu’elle soit faite par le porno, mais il serait peut-être temps de revoir le contenu des fameux cours d’éducation sexuelle basés uniquement sur la peur des maladies et les risques. Il serait peut-être temps d’arrêter d’avoir peur du sexe pour pouvoir parler plaisir, découverte de soi, etc avec les ados …

Bon allez je m’arrête là sinon j’attaque un autre article sur l’éducation sexuelle, et je vais finir par écrire un essai. Alors des bisous à toutes, à tous, et vive la liberté !

Quelques liens

Pornocratie sur 20 minutes – sur le Pornocratie sur Allo ciné

Participer à l’Ubérisation du sexe (et à me faire gagner ma vie) Cam4Eurolive

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Cette publication a un commentaire

  1. gent 57

    Bonsoir Charlie
    Un moment que je te suis occasionnellement avec plaisir !
    Au moins ton discours franc et direct fait mouche. Les débats, freins, préjugés et l’ensemble des débats sur le sujet sont vieux comme le monde, et tu as raison de défendre tes choix ! Bises !

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