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Aujourd’hui je tords un peu le cou à MES préjugés sur le BDSM. Ca faisait longtemps que je voulais écrire un article sur le sujet, du coup j’ai appelé à la rescousse ma copine Emmanuelle pour en savoir un peu plus. Emmanuelle, pour ceux qui ne la connaissent pas, est journaliste, une vraie, et elle tient le blog Paris Derrière.

Après avoir été journaliste pendant 13 ans sur RTL dont 6 comme journaliste politique, Emmanuelle a ouvert son blog, pour explorer le Paris inconnu et transgressif et étudier les rapports de pouvoir au travers de la sexualité.

Les préjugés sur le BDSM ont la vie dure

La miss a ce talent des grandes journalistes, voir sans être vue, observer sans participer. Elle a flirté avec les coulisses du pouvoir politique suffisamment longtemps pour bien connaître les jeux de domination / soumission. Du coup en devenant journaliste du Paris nocturne, elle est facilement allée observer la face explicite du monde DS, domination / soumission. Les Dominas, Dominants, Soumises et Soumis de tout acabit sont ses « ami.e.s », qui mieux qu’elle pouvait répondre à mes questions ?

Premier constat : J’oriente l’entretien… sniff !

Alors c’est drôle, en réécoutant notre entretien skype je me suis rendue compte à quel point certaines de mes questions étaient orientées. Ca a souvent du bon de réécouter, relire son travail quelques semaines plus tard. Avec du recul j’ai débusqué pas mal de mes propres préjugés sur le BDSM.

Faire du caming a fait sauté beaucoup de mes idées reçues, mais certaines ont la vie dure et ont l’art et la manière de se planquer là où on ne les attend pas. Alors reprenons les bases, tordons le coup aux derniers préjugés, les miens en tout cas, et découvrons un peu l’essence de cet art, car oui, comme me l’a dit Emma, le BDSM est un art.

Mille merci à Emma, pour avoir pris le temps de m’expliquer un peu mieux l’esprit BDSM. A travers les anecdotes que tu m’as rapportées, de choses que tu as vu, entendu, tu me permets d’avancer un peu plus dans la connaissance et la compréhension de l’autre, donc de moi même !

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Le BDSM, pour quoi, pour qui ?

Et oui, grande question comment sait-on qu’on est SM ? Bon bien sûr en essayant, me direz vous. Mais Emma, merci, va un peu plus loin dans sa réponse.

Certains ont ça en eux depuis toujours. Beaucoup enfouissent leurs pulsions et les développent des années plus tard. Ce qui revient aussi dans les témoignages des pratiquants, c’est la rencontre avec une personne qui va initier. Ce n’est pas forcément un dominant. Ça peut être un homme soumis qui va demander à sa petite amie de le dominer, et inversement. Au début, elle va manier la cravache pour lui faire plaisir puis elle va s’apercevoir que ça lui plaît personnellement. Si elle pratique avec un autre et y prend du plaisir, alors oui, c’est vraiment son truc.

Et est-ce que c’est plus facile de commencer en étant soumis ou dominant ?

Souvent le plus facile au départ, c’est le rôle du soumis / de la soumise. Quand tu es soumis, tu es pris en charge, tu n’as rien à décider. Le rôle du soumis c’est de ne plus penser à rien, de lâcher les rennes, de lâcher prise.

La domination c’est prendre le pouvoir, ce qui implique des droits et des obligations.

Je me souviens de cette scène que j’avais vu lors d’une vente aux esclaves chez Cris et Chuchotement, un club SM parisien. C’est un jeu de rôle très bon enfant avec des faux billets où les dominants peuvent « acheter » des soumis ou soumises. Evidemment chacun peut dire stop à tout moment.

Des jeunes femmes qui voulaient dominer se sont collectées pour acheter un garçon assez mignon qui n’avait jamais pratiqué le sm. Tout le monde se marrait mais une fois que les filles ont décroché leur gros lot, elles ne savaient pas quoi lui faire faire et elles ont fini par refiler leur soumis à quelqu’un d’autre.

Et oui ! Dominer, ce n’est pas juste frimer en assénant « Super ! J’ai le pouvoir ! Regardez mon beau soumis !». Dominer, c’est une prise en charge de l’autre ! Tu prends en charge sa vie, son plaisir et tu l’emmènes dans un voyage. Ça demande de l’imagination, trouver des idées et surtout il faut se connecter à l’autre. Pas facile quand on ne connaît pas la personne.

Le rôle de dominant est d’autant plus compliqué pour une femme car dans notre monde actuel, l’éducation, les représentations sociales en général montrent les femmes comme subalternes, donc c’est plus compliqué pour elles de s’emparer des codes de la domination.

Est-ce que dominer c’est forcément faire mal ?

Non, ça peut être très sensuel, un mélange de fermeté et de douceur.

Au fond, peu d’hommes / femmes aiment vraiment avoir très mal sauf ceux qui sont très masochistes.

La douleur devient plaisir et c’est au dominant de bien doser, de trouver la bonne intensité.

Et le plaisir sexuel dans tout ça ?

Le plaisir du soumis, il peut être sexuel directement, mais il est surtout axé sur le fait de se laisser porter, d’être pris en charge, d’être totalement au service du dominant. Il vient du fait de ne plus avoir à décider ni à assumer quoi que ce soit, il y a une grande part de plaisir psychique aussi.

Pour le dominant c’est pareil. Il peut y avoir un plaisir sexuel direct, si par exemple il / elle se sert de son soumis comme d’un sextoy, lui ordonne de le lécher ou sucer. Mais la partie cérébrale est aussi hyper importante.

Le fait de décider, de prendre le pouvoir, d’avoir quelqu’un à ton service t’amène un sentiment de puissance qui est très fort.

Quand un couple s’essaye à des jeux BDSM, à un moment la connexion qui se fera entre eux les plongera dans un état de conscience modifiée, c’est ce qu’on appelle le subspace. C’est un état de bien être lié aux endorphines, tu planes naturellement. Mais cette alchimie n’arrive pas forcément du premier coup, c’est un cheminement qui demande beaucoup de confiance et de complicité.

Et dominer pour une femme lui apprend aussi quelque chose de très important : c’est le fait de prendre en charge son plaisir sexuel.

Ca l’amène à une sexualité active, à découvrir que tout ne vient pas de l’autre.

Du coup la domination pour une femme lui permet, quand elle revient à une sexualité « vanille » (non BDSM), de rester active, de demander, de donner aussi. De sortir du schéma étoile de mer qui attend que le plaisir providentiel vienne de l’homme. Alors, tu peux très bien avoir une sexualité active sans passer par les codes du sado masochisme. Mais il faut admettre que ça aide.

Grande question, qui a le pouvoir au final, entre le dominant et le soumis ?

On dit souvent que c’est le soumis qui dirige. C’est pas tout à fait vrai mais c’est vrai que c’est lui qui pose le cadre et que c’est en fonction de ce cadre que le dominant va agir et qu’il va construire son scénario, qu’il va surprendre son soumis, mais toujours autour de ce cadre.

Il y a une idée reçue qui dit qu’il faut systématiquement pousser le soumis à dépasser ses limites. En fait ça dépend des soumis, tout le monde n’a pas envie de dépasser ses limites ! Croire qu’il faut forcément lui filer 50 coups de fouet plutôt que 40 c’est imbécile ! Tout est fonction du soumis, et ça ça se fait par la connexion avec le soumis et ça change en fonction du moment.

Si la connexion n’est pas là, il faut stopper, ou faire le moins possible.

Après il y a ce qu’on appelle les souminateurs. Le souminateur c’est celui qui a un scénar précis et qui ne veut absolument pas en sortir. Au final il ne s’abandonne jamais au dominant, il s’en sert juste comme d’un objet pour pouvoir incarner son fantasme récurrent.

Il se soumet à son fantasme, mais pas au dominant.

On sort de ce que j’appelle le BDSM joyeux, festif, pour rentrer dans le BDSM pathologique.

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Le BDSM est avant toute chose un jeu érotique !

Avec des codes qu’on peut transgresser en permanence. Si la dominatrice a envie de demander à son soumis de la fouetter, elle peut le faire.

Comme toujours il y a des codes de base, mais après c’est au couple de jouer avec ces codes là ! Mais dans tous les cas tu es obligé d’être connecté à l’autre.

Dans le BDSM pathologique, tu n’es plus connecté avec l’autre ! L’autre devient juste un objet qui te permet d’incarner ton fantasme en solo. Or le BDSM, avant toute chose, au delà des codes, des tenues et des images d’Épinal, c’est une question de connexion à l’autre.

Ca prend un bout de temps pour arriver à cette qualité de connexion, c’est un long chemin, c’est une forme d’art.

Mais qui pratique le SM ?

Depuis quelques temps, j’observe une certaine recrudescence d’hommes en demande de soumission. En cam, je ne connais pas le milieu socio professionnel de mes clients, mais est-ce que le chef d’entreprise qui a besoin de se soumettre pour compenser son poste à responsabilité c’est un cliché ou une vérité ?

En fait, ce sont les hommes en général, qu’ils aient des responsabilités dans leur travail ou pas, qui n’ont pas le droit d’avoir une sexualité soumise. Non seulement ils doivent assurer au boulot, réussir socialement, subvenir aux besoins de la famille mais ils doivent aussi bander dur au lit, faire jouir leur conjointe. C’est la culture du patriarcat qui fait peser cette pression sur leurs épaules. Or, parfois, ils ont envie de se laisser aller, de ne plus décider, de ne plus penser. C’est reposant de jouer l’objet.

Plus la pression sociale augmente, plus la demande BDSM augmente.

Y a-t-il des risques à pratiquer le BDSM ?

Déjà, il faut se mettre d’accord sur un safe word pour stopper immédiatement une situation où l’un des deux est mal à l’aise.

Le safe word peut être utilisé par le soumis ET le dominant.

Ce point est important. Sinon, il faut savoir que dominer prend beaucoup d’énergie, et à la fin d’une soirée, on peut se sentir vidé. Donc, chacun doit respecter les limites de l’autre. Il ne faut pas attendre d’être à bout pour s’arrêter, faire une pause et pourquoi pas, terminer avec un gros câlin.

Préjugé quand tu nous tiens !

Et là, en réécoutant, je me suis entendue demander à Emma avec insistance quelles étaient les dérives du BDSM. Il devait forcément y en avoir ! Ahlalala les préjugés !

Mes préjugés sur le SM viennent chez moi d’un petit souci dans mon rapport au pouvoir et d’un énorme présupposé voulant que la place du soumis est inférieure à celle du dominant. Cette longue discussion avec Emma m’a permis de me mettre en face de trucs pas forcément sympa en moi. Mes soucis avec ma propre autorité, voir mon propre autoritarisme. La souminatrice en moi a eu du mal à lâcher l’affaire mais …

Les dérives du SM sont les mêmes que dans le vie « vanille »

Car au final les dérives du BDSM, si dérives il y a, sont les mêmes que dans n’importe quel domaine ou n’importe quel type de sexualité. C’est le moment où tu te déconnectes, de toi, de l’autre, où l’autre n’existe plus en tant qu’être humain mais devient seulement un objet support de tes fantasmes. Et pour ça, y a pas besoin du BDSM, on y arrive tous très bien tout seul, quel que soit le type de relation. Amoureuse, amicale, familiale, professionnelle.

En fait c’est un peu ce qui arrive tous les jours dans le monde, quand on n’est plus des êtres humains mais des #LesGens, prisonniers de nos projections, de nos névroses, de nos frustrations et de notre petit ego capricieux. C’est le petit Hitler qui n’a pas les couilles de se montrer et qui pourtant sommeille en chacun de nous.

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Le BDSM n’est « qu’un » JE(U) érotique !

Le BDSM, comme le dit si bien Emma, c’est avant tout un jeu érotique qui permet une connexion à l’autre. C’est juste un jeu qui ne fait que mettre en lumière les rapports de pouvoir présents absolument partout. Avec l’hypocrisie en moins. En les assumant, en s’en amusant et même en y prenant plaisir !

Alors non, tout le monde n’est pas obligé de devenir BDSM. Par contre, voyons tous à quels endroits, sans se l’avouer, on joue les soumis, les dominants et bien souvent les souminateurs.

Vous savez, à chaque fois que par notre comportement on oblige l’autre à prendre la responsabilité de nos vies, de nos échecs ou de nos réussites, ce qui nous permet de pouvoir faire des caprices derrière en accusant l’autre parce qu’il nous a obligé et que c’est de sa faute. Ou ce qui nous permet de nous dédouaner pour au final ne surtout pas assumer la responsabilité de nos actes.

En gros, d’avoir 30, 40, 50 ans et de se comporter comme un enfant capricieux en accusant l’autre d’être responsable de notre malheur. L’autre étant, au choix, un mari, une femme, un parent, un enfant, un patron, un employé, la Vie, la terre, l’univers, le destin.

Alors voyons nous vraiment ! Sans faux semblant !

Et assumons, au lieu d’être les souminateurs de nos propres existences. Soyons enfin des êtres humains. Et si on a envie de jouer ? Alors jouons, avec joie et envie, quel que soit le jeu qu’on choisit. Et si il nous prend une soudaine envie de toute puissance ? Alors osons le BDSM !… Au lieu de faire chier des gens qui n’ont aucune envie de jouer à ce jeu.

Au final, plutôt que de vivre passivement un BDSM pathologique dans nos vies de tous les jours, optons pour le côté festif ! BDSM ou pas, ça c’est juste une question de goût 🙂

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Cet article a 2 commentaires

  1. yves1383

    Bonjour Charlie , est-ce que le souhait d’être pris par sa partenaire et un gode ceinture est celui d’un « souminateur » comme ton article semble l’indiquer , puisqu’il ne s’agit que de la volonté du « soumis » ? Ou alors le classes-tu dans la catégorie de jeux simplement sortant de l’ordinaire ? C’est un fantasme que j’ai depuis longtemps et d’après des blogs axés sur le sexe, assez courant , sans qu’on puisse évoquer une tendance homosexuelle ( des caresses masculines m’ont fait débander à l’age des premières expériences et je n’éprouve aucune attirance pour des hommes même très beaux , alors qu’un corps de femme ou ses caresses m’excitent immédiatement malgré mon age « certain » …..ça reste pour moi un fantasme car ma partenaire n’est pas attirée par ce jeu et juge même qu’il s’agit d’une tendance homo car elle ne veut rien savoir du plaisir d’un massage prostatique pour moi …..J’en suis réduit à l’usage de sextoys type aneros , ce qui limite grandement la sensation d’orgasme sans la présence du corps féminin aimé, ses caresses et les échanges verbaux …..
    Qu’en penses-tu de tout ça ? pardon pour toutes les réponses qu’elles suggèrent …

    1. Charlie Fortenis

      Coucou Yves,
      Alors tout dépend, car se faire prendre par une femme avec un gode ceinture ne signifie pas forcément qu’on est soumis !
      La preuve, c’est pas parce qu’une femme se fait prendre par un homme qu’elle est soumise !
      Le souminateur, c’est un profil bien précis, c’est celui qui cherche une pseudo relation de soumission sans jamais se soumettre à l’autre.
      Après, entre un dominant et son soumis, il y a évidemment discussion, qu’est-ce que l’autre aime, qu’est-ce qu’il refuse, quelles sont ses limites, etc …
      Et heureusement qu’il y a cet échange, qui est indispensable !
      Le souminateur, c’est celui qui a un scénario ultra précis dont il ne veut absolument pas dévier, au final, il ne se laisse jamais emporter par l’autre.

      Après, est-ce que aimer la pénétration et ou stimulation anale est une tendance homo ? Je ne crois pas, la preuve, tu n’es pas du tout attiré par les hommes 🙂 Ou alors, toutes les femmes qui aiment particulièrement la stimulation clitoridienne sont lesbiennes ! Et une lesbienne qui aime la pénétration est hétéro ! Non, non et non, différencions la pratique de l’attirance pour le même sexe ou le sexe opposé 🙂
      C’est juste un plaisir auquel tu es particulièrement sensible !

      Bisouxx ! Et merci de ton commentaire 🙂

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