N’oublions pas que le but premier de la compétition c’est de se donner de la valeur pour être remarqué. Et ce besoin d’être vu s’adresse aussi bien à ses yeux qu’aux yeux d’un ou d’une autre. Pof direct on est sur le rapport entre originalité et sexualité. Si l’autre nous remarque, nous voit et bien il y a plus de chances qu’il nous désire.
Et qui dit désir dit, au choix, achat, copulation, fécondation … vous comprenez la suite et le lien entre originalité et sexualité. Être compétitif dans ce monde c’est aussi être vu.
Table des matières
Originalité et sexualité, se faire remarquer
Bon on va détailler tout ça en restant léger. Je vais volontairement limiter mon champ de réflexion au monde du sex toy et celui des sexualités. Je ne suis pas là pour faire une thèse sur le besoin d’originalité non plus ! En plus c’est un phénomène très bien étudié en socio et en psycho donc …
Dans le premier volet sur notre exploration des rapports bizarres entre compétition et sexualité on était sur les racines de ce mécanisme. La quête frénétique du petit spermatozoïde fou. Maintenant on va rentrer un peu dans les détails. Le rapport entre besoin d’originalité et sexualité. Le besoin de différenciation de l’autre et le paradoxe qu’elle engendre : Être plus, par une différenciation à tout prix, et la peur de cette différence qui nous fait nous rassembler sous des étiquettes / tiroirs pour « ensemble se reconnaître ».
Attention ne voyez pas ce petit texte comme un appel à une sexualité morose, dans le noir en fermant les yeux et en priant Allah, Bouddah, Jésus, Yahvé ou Panzani de nous protéger des affres de la chair. Je ne suis pas vraiment la mieux placée pour condamner les excentricités et les pulsions charnelles.
L’originalité c’est vendeur
Le lien entre originalité et sexualité se retrouve dans le monde animal avec les parades nuptiales où les mâles, au passage on fonctionne vraiment à l’envers, arborent fièrement leurs attributs lors des périodes reproductives.
Oui mais voilà, bien peu d’entre nous ont des rapports sexuels juste une fois par an juste pour se reproduire. Alors quel besoin a t-on de vouloir se différencier de notre voisin ?
Comme dans la mode vestimentaire, la course aux armements et autres, il y a dans la volonté d’afficher son originalité sexuelle une quête sans fin de performance pour montrer sa valeur, sa différence et donc séduire.
La compétition envers soi
La compétition c’est toujours vis à vis de l’autre mais aussi, voire surtout, vis à vis de nous même. Le regard que nous portons sur nous même, le miroir de l’auto contemplation. En gros il faut proposer du nouveau, à ses yeux et aux yeux du monde.
Être original permet de se différencier et donc d’exister « plus » que les autres. C’est dans ce « plus que les autres » qu’on retrouve la notion de compétition. Cette originalité à tout prix est bien sûr mêlée à un fort besoin d’appartenance à un groupe, à une case. Pour plus d’information il y a plein d’ouvrages socio & psycho sur ce sujet.
En fait un des drames de l’humain c’est d’arriver à exister en tant qu’individu unique tout en étant inclus dans un groupe. Car hors du groupe il y a la solitude et pour notre cerveau reptilien, solitude = danger.
Ce besoin de se différencier, d’ « être plus que les autres » donne bien sûr un foisonnement et une richesse fabuleuse mais quand elle devient la loi commune, comme aujourd’hui, elle donne aussi des situations super foireuses et des aberrations.
La valse des sex toys fous
S’il y a bien un endroit où la quête de l’originalité sexuelle est à son paroxysme, c’est bien dans les sex toys. Les copines et copains blogueurs seront d’accord avec moi. Au bout d’un moment tu as quand même l’impression de tester toujours la même chose.
Alors comme on est pas bégueule on va trouver une nuance. La petite bosse, la petite inclinaison qui fait plus de bien à Miss X qu’à M’zelle Y (pareil pour les zommes). Mais en gros les différences sont assez minimes. En gros il y a les giga sex toys, les super foireux, les inclassables et puis les autres, les copies, soit 80% du marché.
Souvent je regarde les boutiques en ligne pour faire mes « emplettes » et je me pose la question : est-il utile d’avoir sur le marché 40 rabbits différents ? 50 formes de plug anal quasi identiques ? 800 types de godes plus ou moins réalistes ? Alors je sais bien que nous sommes toutes et tous différents mais là j’ai l’impression qu’on arrive à un niveau où il y aura un sex toy spécifique par humain…
La vrai originalité c’est rare !
En 4 ans d’études de l’univers sex toys je n’ai trouvé que bien peu de véritable originalité. Effectivement les derniers jouets du type womanizer et les Aneros sont la vraie révolution des 5 dernières années, d’ailleurs ils sont déjà recopiés, disséqués et plagiés sous de multiples formes. Mais les autres sextoys ne sont que des digressions de ce qui se faisait il y a déjà 20 ans, des révolutions iphone donc 😉
Après, dans la valse folle du jouet pour adulte, des créateurs, des artistes se démarquent non pas par la technologie mais plus par l’étude, le soin apporté à leur création. Je pense bien sûr aux sex toys en bois d’Idée du Désir qui sont bien plus que des sex toys, mais aussi aux plugs anaux de Rosebuds ou de Njoy.
La ronde des sexualités en tout genre
Pareil pour les sexualités. Je suis pour une multiplicité des pratiques et des fantasmes. Je suis pour la liberté de chacun mais, en tout cas ce que j’en aperçois depuis ma fenêtre, est-il utile de les classifier de manière aussi précise ? Est-il utile et surtout nécessaire de labelliser notre imaginaire et nos pulsions pour les mettre dans une petite boîte ? En faisant ça, non seulement on se limite en se définissant excessivement, mais en plus on perd à terme l’originalité qu’on cherchait.
Deux domaines qui connaissent bien ce duo originalité – conformisme : le BDSM et le Libertinage. Merci 50 nuances de Grey – film et bouquins à mon avis dramatiquement lamentables. En exagérant on pourrait dire qu’aujourd’hui tout le monde est libertin et pratique le BDSM.
Mais pour notre ego et notre quête de séduction par la différenciation ce n’est pas acceptable ! Il faut se différencier, être plus que(ue) ! Alors on invente des sous rubriques, cuckolding, candaulisme, fetish pied, fetish culotte, fetish gros orteil gauche… En gros on fait des groupes dans des groupes dans Le Groupe… Et qui dit groupe dit existence de chef, leader, maître de ce groupe … Super !
La normalisation des sexualités
C’est fou ce besoin d’appartenir à une famille, de se re-mettre dans une case. Les « sexualités marginales » par exemple. Je crois qu’en 4 ans de live cam assez réguliers, je n’ai pas rencontré plus de 3 vrais foot fetish ! C’est à dire pas plus de 3 hommes qui avaient totalement déplacé leur pulsion sexuelle d’origine sur des zones non génitales. 3 sur un petit millier de clients ça fait pas grand chose ! Par contre pas mal me demandent un show fetish pied qui ne sert que de point de départ. Le show fetish dure en général la première minute et devient très rapidement très classique. « Heu mais tu te touches pas là ? – Heu tu veux pas laisser tomber tes pieds et faire de l’anal ? » Pas de quoi se foutre dans une case donc.
Se dire original ce n’est pas l’être !
Je pourrais continuer longtemps. Juste pour le plaisir, dans la pseudo originalité normale il y a les faux soumis qui donnent des ordres. Je les adorent ceux là ! Ou qui ont des exigences ! Heu désolée poulet mais si tu es soumis, sois soumis et ferme ta gueule avant que je ne te bâillonne ! Idem les « dominants » auto proclamés qui me demandent ce que j’ai envie de faire en show… Je suis sûre que vous en connaissez.
Mon constat perso : Bien souvent la recherche d’une pseudo originalité sexuelle n’est qu’une manière de montrer une différence qui n’existe pas dans les faits. On voudrait bien mais on peut point ! Alors on s’invente un autre soi même, encore plus virtuel qu’un live cam, pour arriver à se hisser au dessus des autres. Un peu comme si mettre une étiquette donnait une valeur supplémentaire et permettait d’être plus. En plus de la différenciation, l’étiquette permet de retrouver une famille, un groupe qui nous rassure et nous permet de nous identifier, de nous sentir moins seul.
Pour être moqueuse ça me fait penser aux associations d’Anarchistes ou le club des solitaires de Haute Loire et autres. S’individualiser en appartenant ou l’originalité normale. Paradoxe quand tu nous tiens…
Silicone world : be funny mais pas trop.
Le triomphe par l’originalité dans ce cas est à visée purement commerciale. La logique est simple : si je suis différent, même un peu, on va plus me voir, me remarquer donc m’acheter : on retrouve la parade nuptiale des mammifères.
Alors être différent, oui, mais pas trop ! Il faudrait voir à ne pas prendre trop de risques, à ne pas choquer, à ne pas perdre des cooon-sommateurs. On joue sur la couleur, la texture, un peu la forme mais pas de réelle innovation.
Si je suis honnête, sur les 50 sex toys en ma possession j’en garderais à peine 5.
Un plug anal, l’Orchidée d’Idée du Désir, le Womanizer, un rabbit et un bon vieux gode réaliste souple de 17/18 cm (à la louche moins de 30€). Je pourrais même enlever le womanizer de ma boîte ! – Je vous raconterai pourquoi dans le volume 2.
Des sexualités très conformes !
A travers les blogs, les rencontres ou de part mon métier de cam girl, le « on fait quoi de nouveau ? » revient souvent.
Souvent je leur réponds, ben rien. Pour info un corps humain arrive vite à ses limites. Alors nouveauté des fois ça rime avec « fais chier ». Je suis hyper glamour je sais.
Car à vouloir toujours de la nouveauté, faire toujours de manière différente, on en vient à tuer le côté relation. Il ne reste plus alors que l’aspect technique du sexe.
Le qualitatif meurt au profit du quantitatif ! Alors oui, vous aurez un joli panier rempli de pommes différentes mais elles n’auront pas de goût.
Vous pourrez vous vanter auprès d’autres en disant « hé hé t’as vu moi j’ai fait ça ». Hop encore une fois un peu de compet. Mais en fait quid du vécu ? Où est le sentiment à part bien sûr celui d’une gloriole toujours déplacée ?
Heureusement il y a les zazous !
Pour ce qui est de certaines pratiques comme le Shibari ou autres, ne vous trompez pas, au delà de la pratique classée comme sexuelle c’est bien plus pour moi une forme d’Art qu’une pratique sexuelle. Idem pour le fétichisme latex, par exemple. La plus part de ces pratiquants poussent leurs envies, leur besoin au rang d’Art.
Nous sommes alors hors du cadre de la compétition. C’est la beauté du geste, de l’image qui les anime. La Beauté !
Les zazous existent
Et oui, dans ce panel de fausses bizarreries, d’originalités très conformes, il y a des zazous. Des gens réellement différents mais qui ne se posent pas cette question. Ils sont ! Ils essayent tant bien que mal de se vivre dans leur quotidien. Vous ne les voyez pas passer avec une affiche : « je kiffe quand on me pisse dans la bouche ! »
Rappelez vous ce que j’ai dit sur les sextoys, il faut être original mais pas trop pour ne pas perdre des cooon-sommateurs, ou dans le cas présent des « ami.e.s », un groupe, une famille.
Mais nos ami.e.s les zazous, les punks du sexe (punk ne veut pas forcément dire violent) sont là ! Sans faire de bruit, juste pour eux, ils ouvrent des voies, leurs voies. Ils ouvrent des voies pour nous ? Non ! Juste ils ouvrent des voies vers eux mêmes.
Ils nous montrent que c’est possible. Qu’on peut vivre pour soi et non pas par rapport à l’autre. Qu’on peut vivre pour soi sans nuire aux autres. Et si nous les suivons, que nous les faisons leader d’une sous-sous-rubrique, je ne crois pas que nous leur rendions vraiment se(r)vice. Laissons les papillons s’envoler et pour leur rendre hommage, si nous les aimons, suivons nous aussi nos propre pas.
Sortons du cadre de la compétition, qui n’engendre que de l’excentricité et de la séparation, pour se retrouver avec soi, paisible à faire vivre dans chacun de nos pas notre Originalité, la vraie … Soi !
Bisous à tous et on se retrouve tantôt pour la dernière partie.
Charlie