En ces temps de moralisation des cerveaux, d’internet et donc des « médias », le sujet de cet article est plus qu’impératif : comment parler du porno à ses enfants ? ERIKA LUST appelle ça THE PORN CONVERSATION. En effet je me suis basée pour une partie de cet article « comment parler du porno » sur le travail de cette réalisatrice de films X.
Sur son site vous trouverez, bien plus en détail (et en anglais) tout le dossier THE PORN CONVERSATION ou ses retours d’expériences quand elle a voulu parler du porno avec ses propres enfants.
Je rapporte ici son travail et je me suis permise de simplement faire quelques allusions d’ordre plus général pour rappeler que le porno est loin d’être le seul média à déformer la réalité mais qu’en revanche il est le seul à causer autant de problèmes. Comme quoi, stéréotyper la femme en jupe, ça passe, mais à poil, ça passe plus …
Table des matières
Le porno, un contenu hautement dangereux ?
Ne nous leurrons pas, on aura beau sécuriser autant qu’on veut l’accès au net, le porno fera irruption dans la rétine de votre enfant. Comme pour le nucléaire, la question n’est pas « si votre enfant voit du porno » mais bien « quand votre enfant verra du porno ».
A l’heure actuelle, les écrans sont partout, qui dit écran dit internet et donc accès au porno. Que ce soit volontairement ou à cause d’un pop up, une recherche google ou un.e copain/copine à l’école, votre enfant verra du porno. Selon les sources, on apprend que les enfants découvrent le porno aux alentours de 14 ans. Mais plusieurs sondages et études ont montré que les enfants se retrouvent confrontés à des contenus pornographique entre 9 et 11 ans. C’est tôt, beaucoup trop tôt, surtout si on n’a pas les codes !
Il y a l’option facile et intellectuellement médiocre : On accuse le porno !
C’est le bouc émissaire, c’est sa faute si tout va mal, si nos chères têtes blondes sont confrontées bien trop tôt à des images pornographiques parfois violentes, comme dans un Avengers lambda. Des vidéos où les rôles masculins et féminins sont stéréotypés, comme dans un DC comics de base. Des contenus avec des corps uniformisés où le plaisir passe après la performance, comme dans 95% des films tout public. On peut le faire. Mais ça ne change rien au fait que vos enfants vont voir du porno.
The porn conversation : Erika Lust
Le contenu pornographique, en soi, ce n’est pas un souci. N’en déplaise aux défenseurs-censeurs des corps. Le problème, c’est qu’il n’y a aucun accompagnement, aucune éducation autour du porno. Déjà que l’éducation sexuelle, c’est pas bien ça, vous vous doutez bien que la question du porno, tout le monde l’évite soigneusement.
Pour un enfant ou certains ado, le porno sans explication, sans accompagnement, peut créer une confusion quant à ce que doit / peut être la sexualité. Le cerveau est un peu con, il croit ce qu’il voit et, de fait, essaye d’imiter ce qu’il croit être « normal ».
Ne riez pas, vous faites exactement la même chose quand vous achetez des chaussures inconfortables mais « à la mode ».
Erika Lust est décidément une femme intelligente ! Pour celles et ceux qui ne la connaissent pas, Erika Lust est une réalisatrice de porno, qui propose des productions X qui sortent du porn mainstream. Elle filme avant tout des relations. Elle propose un porno dit féministe, éthique et relativement intelligent.
Mais Erika Lust est aussi maman de deux enfants, et elle s’est évidemment posée la question du porno par rapport à eux. C’est comme ça qu’est né son projet The Porn Conversation, un site (en anglais) qui propose des outils concrets et pragmatiques pour accompagner les parents dans cette fameuse Porn Conversation, ou comment parler porno à ses enfants !
Pourquoi est-ce important de parler de porno à ses enfants ?
Après la douloureuse conversation de comment naissent les bébés, les parents enchaînent, au mieux, avec l’épineux moment pour parler protection et contraception. Mais 9 fois sur 10, on saute l’étape entre les deux, à savoir : comment on fait, qu’est-ce qu’on fait, doit, peut, faire et bien sûr le fameux « c’est comme sur l’écran ? ». En gros on s’évite le moment de parler sexualité et surtout de parler à ses enfants de ce qu’ils ont vu ou verront, à savoir du contenu X.
En général on se dit que bon, c’est pas forcément nécessaire de parler de ça avec ses chers rejetons ! Ils ont cours d’éducation sexuelle à l’école après tout, ça devrait suffire ! Non mais sans rire, vous croyez vraiment, à l’heure actuelle, qu’en France, on va aborder la question du porno à l’école ?
Erika Lust met l’accent sur ce point : c’est de la responsabilité des parents d’aborder les questions autour du sexe et donc du porno.
C’est aux parents de donner des clés de compréhension du monde à leurs enfants. Hors, que je sache, le sexe, la sexualité, et les vidéos font parties du monde, non ?
Malheureusement à l’heure actuelle, les cours d’éducation sexuelle EN FRANCE se résument aux IST et à la biologie. Via la facilité d’accès du net, beaucoup d’enfants et d’ado comblent leur manque d’information et utilisent le porno comme LA source d’éducation sexuelle principale. Leur cerveau fait le reste. La réalité c’est ce qu’ils voient, ils voient du porno en masse, le porno devient la référence, l’exemple à suivre.
Les « grands » ne sont pas là, ou ne veulent pas l’être et donc personne ne leur rappelle que ce n’est pas la réalité mais bel et bien une FICTION … comme DC comics.
Personne n’est là non plus pour les aider à décrypter ce qu’ils voient et pour leur suggérer d’autres manières d’imaginer le sexe, et les relations sensuelles et sexuelles.
Le porno caricature, caricaturons-le un peu
Les films X, notamment le porno mainstream, qui est celui sur lequel vos enfants vont tomber, amène à une certaine confusion, si on n’a pas les clés. Pour faire simple, voilà les « marqueurs » d’un film porno lambda :
- Les corps sont uniformisés. En général, on voit des jeunes femmes souvent siliconées, avec un minuscule cul et des cheveux longs. Les mecs, eux, sont baraqués avec des sexes énormes ! Cela dit dans les films traditionnels, il y a aussi une sacrée uniformisation des physiques !
- Le sexe est très souvent complètement dissocié des sentiments. La relation sexuelle mettant l’accent non pas sur la relation mais sur la performance
- La femme est au service du plaisir de l’homme, et le plaisir de l’homme (dans le porno mainstream) passe par une éjaculation faciale (ben voyons)
- La performance physique avant tout ! On ne voit pas forcément le plaisir des partenaires, ni la connexion, la performance prime
- Il faut faire beaucoup de bruit quand on est une fille, peu quand on est un homme
- Les femmes négocient tout en échange de service sexuel. Les femmes, même si elles n’ont pas envie au départ, finissent toujours par aimer ce que les hommes leur font.
- Les hommes sont brutaux et bourrins. Les hommes ont toujours envie de sexe, ils ne disent jamais non
Ce que le porno ne raconte pas
Que ce soit par choix ou par soumission à « il faut faire comme ça », les films X omettent toute une part de ce qui compose une RELATION sexuelle. A ce sujet, les films classiques font de même avec la vie de tous les jours (qui a déjà vu une scène au WC ?)
- la diversité des corps, grand, gros, petit, maigre, gros seins, petits seins, petit sexe ou grand sexe, etc..
- le désir est lié à ce que la personne dégage, pas à ce à quoi elle ressemble
- le plaisir et la relation sexuelle peuvent prendre de multiples formes, avec ou sans pénétration, avec ou sans éjaculation
- l’important, c’est la relation, pas la pratique, ni même le résultat
- le sexe est fun et ludique
- la femme peut décider et l’homme suivre, et inversement; on n’est pas obligé de se cantonner dans un rôle, dans une fonction
- ON NE DOIT JAMAIS SE FORCER, QU’ON SOIT LA FEMME OU L’HOMME !
- le sexe ne devrait pas se négocier contre quelque chose, la relation sexuelle a lieu par envie. Sauf cas des TDS.
- etc, etc…
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Quand et comment parler du porno à ses enfants
Vu que les enfants peuvent se retrouver face à face avec des images pornographiques dès l’âge de 9 ans, le plus tôt sera le mieux. Si possible, n’attendez pas que ça ait déjà eu lieu, anticipez, prenez les devants, et donnez d’ores et déjà des clés de décodage à votre enfant. Ca évitera qu’il soit choqué, et en plus, vous lui donnez les clés pour devenir un humain intelligent, qui observe et décode le monde qui l’entoure avec un oeil critique.
Plus vous parlez tôt de porno à vos enfants, plus c’est simple et moins c’est gênant.
Les phrases d’accroches, ou comment entamer la conversation
Pour les enfants de 9 -11 ans
- Hey, dis, en allant sur internet pour regarder des vidéos ou faire du shopping, j’ai des publicités qui sont apparues que tu as peut-être vu.
- Est-ce que ça t’arrive de voir de drôles de publicités quand tu es sur internet ?
- C’est normal qu’à un moment, tu te poses des questions sur la sexualité, et peut-être que tu vas chercher tout seul sur internet et voir des choses que tu ne comprends pas. N’hésites pas à m’en parler, et à me demander aussi, à me poser des questions
Pour les enfants de 12-15 ans
- Ok, je sais que c’est super embarrassant de parler de ça mais je suis un peu inquiète. Quand je surfe sur le net, j’ai souvent des pop up d’images porno qui apparaissent. Est-ce que ça t’arrive aussi ?
Pour les ados de 15 ans et plus
- Bon, je voudrais te parler d’un truc super embarrassant, pour toi comme pour moi. Je voudrais te parler de porno. Je ne vais pas te dire de ne pas en regarder, je voulais juste discuter avec toi, que tu prennes conscience que ce que tu vois dans les films, ce n’est absolument pas la réalité, et je n’aimerais pas que tu crois que c’est ce que le sexe est censé être.
Je ne te parle pas forcément d’amour, mais de confiance et de respect mutuel
Les choses à dire et à ne pas dire à propos du porno
Ok, le plus dur est fait, vous avez entamé la conversation. Rappelez-vous, c’est une CONVERSATION !. N’asseyez pas votre enfant pour lui faire la leçon. Il pourrait croire qu’il a fait quelque chose de mal. Non, c’est simplement une discussion.
Ca va être très gênant pour vous, c’est clair, mais aussi pour votre enfant (il ET elle). Au plus vous mettrez de la morale, au plus la discussion sera ressentie comme un tribunal d’inquisition voir un jugement pour faute grave et manquement à la dignité : TOTALEMENT CON-tre productif
Evitez, vraiment, d’accuser votre enfant / ado, de l’engueuler, de le juger, de le faire se sentir coupable de quelque manière que ce soit. Ce qui est traumatisant pour l’enfant, ce n’est pas ce qu’il a vu, qui peut vite être évacué en discutant avec ses parents. Par contre, le fait de le faire culpabiliser, de rendre la chose grave, ça ça peut devenir traumatisant.
Donc évitez les questions du genre : qui t’as montré ça ? pourquoi tu regardes du porno ? le porno c’est mal
Parler du porno à ses enfants, un cadeau pour tout le monde
Cette discussion autour du porno va vous permettre d’aborder beaucoup de sujets. Erika Lust propose quelques pistes pour ouvrir la conversation et dépasser le simple cadre de la pornographie.
- Les films X, comme les films tout court, n’ont rien à voir avec la réalité. Les acteurs & actrices sont payés. Dans un film, quel qu’il soit, il y a des trucs, des astuces, des « effets spéciaux », pas dans la vraie vie.
- Enlever la charge de jugement bien/mal et la remplacer par l’auto analyse : Quelles sont les raisons sociales, hormonales, techniques qui t’ont amené à voir du porn ?
- Parler de la virilité et de la féminité, de l’actif et du passif, et comment lui/elle se sent et s’identifie dans les « rôles » standards.
- Donner des notions sur le contrôle de son image. Apprendre à gérer les sexto et les nudes. Rappeler de ne pas céder à la pression de l’autre, ni même des « ami.e.s » ou du « tout le monde le fait »
- Mise en place d’un lien de confiance. Par exemple : si tu sens une pression viens m’en parler, qu’on comprenne ce qui se passe.
- Les relations érotiques doivent être faite dans le consentement. Ca veut dire qu’il faut qu’il y ait de la confiance entre les deux personnes, et que chacun fait uniquement ce qu’il a envie de faire.
- Si à un moment donné, dans une relation, on n’est pas à l’aise avec ce qu’on fait, il faut le dire tout de suite. Il n’y a pas de réussite ni d’échec dans une relation et encore moins d’obligation à quoi que ce soit.
- Les hommes et les femmes sont poilus. C’est normal d’avoir des poils au pubis. On choisit de les raser, ou pas, en fonction de ses goûts.
- Le sexe n’a pas forcément à être fait avec quelqu’un qu’on aime. Par contre, il faut le faire en confiance et dans une relation mutuelle de respect.
- Pour les plus grands, vous pouvez même leur parler du porno éthique. Un porno où les actrices et acteurs sont respectés, content de leur taff, payés correctement. Où les corps sont variés, les pratiques et les situations aussi.
Pas mal comme point de départ, non ? Encore une fois, ce que conseille ERIKA LUST ce n’est pas de juger, ni d’interdire. Mais simplement de donner des clés de compréhension. Car ces clés serviront à votre enfant toute sa vie et pour bien d’autres choses que pour les films pornographiques !
Qui plus est, vous donnez des clés à votre fille ou votre fils pour éviter bien des situations de merde et les mauvaises baises faites par culpabilité.
Cerise sur le gâteau, ça vous fera du bien à vous aussi ! Car parler de sexualité avec ses enfants oblige forcément à se mettre au clair avec la sienne. Au final, le cadeau est aussi bien pour vos enfants, que pour vous. Alors, prêt à entamer la Porn Conversation ?
J’avais pas vu ton poste, mais très cool et c’est vrai que les adultes ne parlent pas assez sexualité et pornographie avec leurs enfants, pas comme dans d’autre pays voisin.