Confession sexuelle d’un anonyme russe est un drôle d’objet littéraire. Pour Jean Jacques Pauvert, un des plus célèbres éditeurs de littérature érotique, le premier à sortir Sade de la clandestinité, ce texte est d’un grand intérêt érotique. Quand il était à la tête de la collection Les Lectures Amoureuses, aux éditions La Musardine, il l’a donc réédité dans un format de poche, le rendant ainsi accessible à tous.
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les confessions sexuelles, érotisme ou étude ethnologique ?
Pour moi, c’est un étrange objet, à mi chemin entre érotisme et témoignage ethnologique. Cette confession sexuelle a été envoyé par un homme russe, né aux alentours de 1870, à Havelock Ellis, l’un des pionniers de la sexologie. Il lui a envoyé un témoignage précis et consciencieux de sa découverte de la sexualité, et de ses différentes aventures sexuelles tout au long de sa vie. Pour aider la science, en se disant que peut-être, son récit précis et véridique permettrait d’approfondir un peu mieux la connaissance de l’homme, la place de l’instinct, etc.
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Les moeurs russes de l’époque
Du coup il livre un récit certes détaillé, mais relativement froid de sa sexualité, de la découverte jusqu’à l’apogée, en passant par de longues périodes d’abstinence. Et au passage on apprend beaucoup de choses sur la façon de vivre des russes fin 19ème / début 20ème.
Par exemple, les moeurs en russie à cette époque étaient beaucoup plus libres et légères qu’en Europe. Qu’une femme soit fille mère, divorcée, mère non mariée, ou ayant plusieurs enfants de plusieurs hommes différents ne posait de souci à personne. A aucun moment ça ne remettait en cause votre valeur sociale. L’adultère était monnaie courante, les classes intellectuelles étaient profondément athées et la découverte sexuelle commençait super tôt, entre 9 et 11 ans, voire plus tôt, aussi bien chez les filles que chez les garçons. On apprend vraiment beaucoup de choses sur la manière de vivre en Russie, tant au niveau de l’éducation, des différences entre les classes sociales, que sur la notion russe d’hospitalité. On a véritablement accès à un mode de vie et à une époque.
Lorsque le narrateur part vivre en Italie puis en Espagne, on apprend, en tout cas j’ai appris qu’à l’époque, Naples possédait un commerce florissant de jeunes filles pré-pubères, et pas seulement dans les classes pauvres. Les familles bourgeoises faisaient elles aussi commerce des charmes de leurs enfants, fillettes comme garçonnets. On pouvait voir, toucher, se faire toucher. Par contre pour déflorer, là c’était très cher.
Une vie pleine de sexe, mais sans amour …
Au milieu de cette mine d’informations, on suit bien entendu les découvertes et les aventures sexuelles du narrateur. Qui a eu, disons le, une vie assez débridée.
Mais au final, étrangement, la morale et la peur l’auront accompagné tout au long de sa vie. Sa peur des maladies vénériennes, bon faut dire qu’il a eu ses premiers émois sexuels en lisant un traité d’accouchement et un bouquin sur les maladies vénériennes, sa terreur de la masturbation, source de tous les maux. En gros, il a eu beau baiser toute sa vie, avec beaucoup de partenaires, il ne respire pas la joie de vivre et la santé. Plus il baise, plus il devient souffreteux. Et on sent tout du long le jugement qu’il porte sur lui.
Au final, il aura baisé toute sa vie, mais jamais aimé. Et sans amour … ben c’est tout de suite beaucoup plus fade. Vous imaginez, une vie entière sans amour ?
1 auteur, 1 livre
Les lectures érotiques sont gratuites depuis 3 ans mais …
Vous pouvez m’encourager, je vous jure parfois c’est agréable…
Au coeur des fantasmes
L’auteur livre donc un récit consciencieux de sa vie sexuelle et l’analyse aussi. On découvre avec lui les mécanismes des fantasmes, l’importance des premières impressions sexuelles et comment son éducation, son conditionnement, le poursuivront toute sa vie.
Je crois que le plus triste dans toute cette histoire, c’est que jamais il ne s’en débarrasse. Au final, il reste dans un rapport très enfantin à l’autorité, au bien et au mal, à la morale, même si ce n’est pas la même que la morale judeo chrétienne.
Ben perso, ça m’encourage à aller encore plus loin dans la déconstruction de mon conditionnement. On n’a pas idée, je crois, tant qu’on n’a pas décidé d’en sortir, de l’importance et de l’impact qu’il a sur la totalité de nos vies, sexuelles, affectives, professionnelles. Mais pour ça … il faut avoir envie de remettre en question nos croyances et nos préjugés. Et croyez moi, quand on commence à tirer un fil, c’est tout le costume qui s’effiloche après.
« La confession sexuelle … », chef d’oeuvre érotique ?
Chef d’oeuvre érotique, c’est comme ça que l’écrivain anglais Edmund Wilson parlait de cette confession sexuelle à Nabokov. Pour moi, ce n’est pas le livre qui m’a le plus transporté dans des fièvres érotiques, l’auteur décortique avec une certaine froideur toute sa vie.
Ce livre questionne, informe, nous enrichit. Ce n’est pas pour moi à proprement parlé de l’érotisme par contre c’est très intéressant à lire et à réfléchir. Donc je vous le recommande vivement même si au niveau de l’excitation pure … Enfin vous verrez. C’est en gros une véritable enquête qui plonge au coeur de la mécanique des fantasmes et de l’excitation. A vous maintenant de me dire ce que vous en pensez..Pour lire cet étrange objet littéraire, rendez vous sur le site des éditions la Musardine !
Des bisouxx les cocos, bon 14 juillet, et à bientôt pour une nouvelle lecture érotique ! Et n »hésitez pas à les partager, les diffuser pour que la littérature érotiques sortent enfin des caches obscures des librairies…